Le chant des sirènes ; Micha J. Archimède

Micha s'était immobilisé au milieu de la cité, en la place centrale, et promenait son regard sur les profondeurs océaniques, tout autour de lui, rêvassant.

« Si ton regard se pose sur moi, si l'envie te prends, viens danser avec moi, jusqu'au soleil couchant. ♪ »
La pie trottait dans la cité sous-marine, son regard ambré flottant sur les bâtiments superbes. Sa démarche aérienne et féline la menait vers la place centrale, lieu d'où venait l'effluve d'un étalon qu'elle avait depuis longtemps repérée. Nytrogène avançait vers ce nouveau mâle, avec à l'esprit son expérience plutôt réussie avec Thunder. Une fois arrivée sur la place, elle s'arrêta en bordure pour observer le plus foncé, au centre du lieu plat. un sourire charmeur étira ses lèvres alors qu'elle le détaillait, pas déçue du physique de l'inconnu.

Oh, il avait bien senti sa présence, mais il peinait à détacher son regard du plafond sous-marin. Après quelques longues secondes, et un soupire, Micha finit par poser ses prunelles dorées sur la silhouette bicolore. Courtois, il salua la jument.

- Bonjour.

« Bien le bonjour. »
Elle n'avait pas réellement l'habitude de commencer des discussions ainsi, en général ses mimiques aguicheuses suffisaient aux étalons. Mais Nytrogène aimait les défis, et elle relèverait celui-ci. La pie s'approcha, sans quitter le mâle du regard, d'une démarche féline et sensuelle. Elle ondulait doucement, cherchant à capter le regard de l'autre, cherchant dans ses yeux la moindre étincelle de désire.

Mais de désir aucune trace, dans les prunelles d'or de l'étalon. Le plaisir charnel était pour Micha quelque chose de superflu. Il avait atteint une tout autre strate intellectuelle, faite de sensations bien différentes de ce que recherchait la jument. Elle ne s'en cachait pas. Micha détourna son regard.

Nytrogène n'était pas idiote. Elle comprit bien vite qu'elle n'intéressait pas l'étalon et sa grimace montra bien à quel point elle était frustrée. Elle marmonna quelque chose avant de soupirer.
« Je ne vous plait pas ? »

Le voilà donc en face à face avec son parfait opposé.
Micha glissa son regard sur le visage de la jument.

- Je ne suis pas intéressé, dit-il avec douceur.

Ces choses là, il ne comprenait pas leur intérêt. Le plus important, c'était le cœur et l'âme.

Frustrée et offusquée qu'on lui refuse ce qu'on lui avait toujours donné, la pie semblait un peu perdue. Son regard errait sur l'étalon, déstabilisé, cherchant le moindre signe de ce qu'elle avait toujours connu.
« Mais... Pourquoi ? »

Micha émit un profond soupire.

- Je n'en ai pas besoin.

C'était aussi simple que cela. Mais surement difficile à comprendre pour un esprit comme celui de la jument... Jeroen reporta son attention sur les poissons au dessus de lui.

La femelle resta muette, le regard perdu dans le vide. elle n'arrivait pas à s'imaginer un étalon qui n'avait pas besoin de ça. Pour elle c'était tout bonnement impossible. Elle tourna sur elle même, se regardant, cherchant l'erreur qu'elle avait pu commettre pour essuyer un tel refus. N'en trouvant pas, elle resta encore plus perplexe. Finalement un sentiment mécontent, peut être un peu haineux, monta en elle.

Et alors, d'un ton d'ailleurs, d'un air détaché, il prit la parole une nouvelle fois.

- Je m'appelle Micha Jeroen Archimède. Mais vous pouvez m'appeler Micha, ou Jeroen, ou bien, peu m'importe le nom que vous me donnerez.

Elle l'écouta distraitement, fâchée envers lui et envers elle même. Nytrogène finit par le fixer, froide.
« Tant mieux, pour ma part vous ne m'appellerez pas. »
Son regard était perdu, mais on voyait aussi une touche de haine et surtout qu'elle était blessée. Jamais on ne lui avait fait pareil affront et elle avait du mal à le digérer.

Micha posa de nouveau son regard sur le plafond maritime, silencieux.

Finalement, au bout d'un moment, la colère retomba. elle finit par marmonner, avec une moue boudeuse.
« Nytrogène. Je m'appelle Nytrogène. »

Un fin sourire étira les lèvres du brun.

- Enchanté.

Elle le regarda sourire et bouda encore plus.
« J'ai du mal à vous comprendre mais bon, tant pis. »

Il se retint de lui envoyer une pique taquine.

- Moi je vous comprend très bien.

Nytrogène soupira.
« Le contraire m'aurait étonnée. »
Elle n'était pas habituée à ça, rester immobile à coté d'un étalon. Pas habituée à parler et ça se voyait : elle se balançait de droite à gauche, comme anxieuse.

Elle n'avait pas l'air de le croire.

- Vous êtes frustrée car habituellement tous les mâles que vous croisez vous enfourchent comme on posterait lettre à la poste.

Micha était cru et franc.

- Vous êtes adepte du corps, et moi de l'esprit.

Nytrogène n'avait pas honte de ce qu'elle était, et elle avait bien vu qu'il pensait qu'elle ne le croyait pas. Elle n'était pas idiote, loin de là.
« Je n'étais pas ironique, je sais que vous savez très bien ce que je suis, et je ne m'en cache pas. Là où vous vous méprenez c'est que je joue la conne, je ne le suis pas réellement. »
Elle se redressa, son regard complètement changé. Il était vide. Elle finit par sourire simplement.
« Je pense que c'est suffisant. Je vais m'en aller. »

Micha serra les dents.

- Vous êtes tellement étroite d'esprit. La preuve en est que vous partez à cause d'un pauvre malentendu sur quelques paroles mal interprétées.

Il n'avait jamais été très doué pour les relations sociales. Il gardait son sang froid en toute circonstance, si bien que beaucoup le pensaient insensibles. Et pourtant...
L'étalon ne rajouta rien d'autre.

Elle rit simplement.
« Vous vous trompez. Je ne pars pas à cause de ce malentendu, simplement parce que je ne suis pas habituée à parler, encore moins avec un étalon dont le physique est loin d'être déplaisant. Voyez vous, depuis toujours j'ai été la fameuse lettre, si bien que je me suis habituée. C'est dans ce sens là que je pense que notre discussion a été suffisante. »
Son regard pétillait de malice, elle voyait bien qu'il était loin d'être aussi froid qu'il le laissait paraître, mais elle avait du mal à digérer son refus.

A ça, il n'avait rien à redire. Ils ne parlaient pas le même langage. Elle, le corps, lui les émotions. Micha resta silencieux quelques secondes.

- Vous n'êtes tout de même pas si mémère que ça si ? Pour ne pas changer vos habitudes d'un poil...

Il posa son regard sur son visage.

Nytrogène sourit doucement et sa voix se fit murmure.
« Non, mais il me faudra du temps, et il faut que ce soit progressif. Je ne suis pas une machine. »
Elle se tut, c'en était déjà trop.

Micha émit un petit ronflement de naseaux.

- Faisons les choses dans l'ordre alors.

Il se tut.
D'abord le silence, pour s'accoutumer à la présence sans geste. Et pourquoi pas ? L'étalon suivit un poisson multicolore du regard.

» Micha Jeroen Archimède.