summertime ▲ libre

» summertime

Regarde moi ce coucher de soleil, aux couleurs éclatantes, comme si on avait renversé un pot de peinture sur le ciel au bleu azure. Orange, rose et mauve se confondaient, un peu comme mes pensées, voguant avec les vagues. Je souriais mais personne ne le voyait. Devais-je m'éloigner avant que la nuit tombe ou me baigner jusqu'aux petites heures du matin?

Nytrogène trottait simplement dans le sable. La jument pie s'arrêta en sentant les effluves d'un étalon qu'elle ne connaissait pas. Elle hennit doucement à son attention. Elle ne prêtait pas attention au ciel.

Non loin, un hennissement; m'était-il adressé? Je cherchai du regard celui ou celle qui avait interrompu le cours de mes pensées. Une jument bicolore se tenait non loin. Je troquai mon sourire pour l'une de ces expressions enjôleuses qui m'allaient si bien. Je m'approchai en trottant, quittant la berge, laissant derrière moi mes rêves.

- Bonsoir!

Le jument battit doucement de la queue et pencha l tête sur la droite, puis sur la gauche, avant de revenir sur la droite comme si elle cherchait la position la plus confortable. Son toupet tomba doucement devant ses yeux et elle sourit à l'inconnu, lui rendant un rictus du même genre que celui qu'il avait collé sur le visage. Elle répondit à ses mots, d'une voix suave, presque un murmure.

» Bonsoir...

Je soupirai lassement; je préférais tellement la compagnie de la solitude le soir tombé. Certes, faire la fête était une chose, mais tenir une conversation en était une autre. Seuls sur la plage, je devais combler le silence pour ne pas éveiller une atmosphère de malaise. Même si son presque murmure laissait envisager bien des choses.

- Je suis Onyx, fils de la lune.

J'aimais bien inventer des histoires aussi.

Nytrogène resta muette un long moment en l'observant. Le fait que le clair soit peu bavard ne la dérangeait guère, elle avait tout le temps pour laisser son regard glisser sur les formes du mâle. Finalement, elle se redressa et étira lentement son encolure en faisant quelques pas en avant. Son nez fut bientôt contre celui du mâle et elle souffla :

» Votre Mère doit donc être très fière de voir chaque soir à quel point son fils est sublime.

Je la laissai faire, essayant de déceler ses arrières-pensées en plongeant mon regard sombre dans le sien. Elle ne me faisait ni chaud ni froid, mais je ne ratais jamais une bonne opportunité de m'amuser.

- Je vous en remercie, mademoiselle?

Elle voulait elle aussi s'amuser; probablement.

Elle se recula de nouveau et agita la queue en s'ébrouant doucement.

» Nytrogène, mais ça n'a pas trop d'importance j'imagine.

Je souris doucement.

- Ça a de l'importance. Un nom est ce que vous constitue. Votre identité.

Je tournai la tête vers l'océan.

La pie le fixa simplement avant de décaler sa queue sur le coté.

» Mon nom ne fait pas mon identité, ce sont mes actes, mes pulsions, mes envies. Un nom n'est qu'un mot, des lettres les unes après les autre, trop abstrait. Préférez vous mon identité abstraite ou mon identité matérielle, sensible ?

Je ne tournai pas la tête vers elle, ni même ne réagit à ses paroles. Le silence retomba, laissant sa question en suspend.

- Pourquoi devrais-je choisir une telle chose? Je ne suis pas vous. Je ne vous connais pas assez pour l'affirmer. C'est à vous de choisir qui vous voulez être.

Elle secoua la tête, déçue de ne pas avoir eut de réponse. En réalité elle ne voulait pas qu'il choisisse, elle cherchait seulement un moyen pour mettre fin à la conversation. Toute envie coupée par le dépit, la jument s'ébroua et s'éloigna vers l'eau. Elle plongea ses sabots dans l'écume et laissa son encolure se tendre, sa tête pencher vers le liquide et ses naseaux effleurer les vaguelettes.

Upidou <3

Je la regardai s'éloigner, avec cette indifférence qu'était la mienne; aucune pointe de curiosité n'animait mon regard. Je n'étais pas dupe et je n'allais pas entrer dans son jeu à elle.

Nytrogène finit par se redresser et s'ébroua. Elle lui lança un simple regard avant de s'éloigner, partant vers d'autres horizons. La déception l'avait fait se renfermer sur elle même et la simple présence de l'étalon la mettait mal à l'aise.

Je m'avançai vers l'océan et je pataugeai, m'amusant avec les vagues. Je me laissai aller à ce moment enfantin.

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